Arrivée

La petite fourgonnette grise semble bondir dans la route un peu cahoteuse qui mène à la prison. Je suis secoué (parfois violemment) comme si j'éffectuais une ballade à dos de chameau dans le désert du Sahara. Deux policiers, armés de fusils à pompe et de matraque, au cas où je tenterais de m'évader à coups de mèches de cheveux ou de menottes, me surveillent d'un oeil torve et ennuyé. Je ne dois pas être le plus terrifiant gars qu'ils aient vu, et ils me le font comprendre en silence.

Je porte déjà les vêtements sales qui constituent l'uniforme de prisonnier de la prison dans lequel les juges m'ont envoyés. Je revois encore les airs sévères, quand ils annonçaient que je méritais de passer le restant de ma vie dans une prison qui "me ferait comprendre ce que "regretter" veut dire".

Ce que je porte a du appartenir à bien d'autres personnes avant moi... sans doute mortes, vu que j'hérite de ces effets. La vie là-bas doit pas être chouette. Mais, à vrai dire, je m'en fiche... Fidèle à mes habitudes, je prends la vie comme elle vient, et puis voilà. Je trouverais bien mon petit bonheur égoïste là-bas. Mais je sens que les habits dans lesquels je me sens à l'aise, et mes habitudes de consommer de l'herbe... Cela va me manquer... Très rapidement...

Sans que je ne le remarque, la route devient plus nette, les cahots moins nombeux... On approche...

D'après ce que je sais, on est en Allemagne ici. Un pays immense auquel, dans ma quête éternelle pour mourir idiot, je n'avais jamais fait attention. L'Allemagne. Je ne connais rien d'eux. Sauf quelques histoires pas nettes qui se seraient déroulées durant la seconde guerre mondiale.

De toute façon, encore une fois, je m'en fous.

Les gardes me laissent mijoter dans mes pensées sinistres et silencieuses. Ca ne fait qu'accroître ma tension. Et mon anxiété, car même si j'essaye de ne pas y penser, les rumeurs que j'ai entendues dire sur cette prison me reviennent en bouclent, comme pour me rendre fou. Au bout de moins d'une heure, nous passons une ligne de barbelés, puis la voitures s'arrête, brusquement.

Un des gardes à la mine patibulaire et à la pense de buveur de bierre me pousse dehors du canon de son arme. L'air est frais, froid presque. Devant moi se dressent d'imposantes portes, des murs couverts de barbelés sur lesquels patrouillent des gardes qui n'ont pas l'air d'enfants de choeur...

La porte s'ouvre lentement, après qu'un de mes deux "potes" ai hurlé quelque chose, que je n'ai pas écouté. On me force encore une fois à avancer, me faisant accélérer parce que je marche en traînant les pieds, comme j'ai toujours marché.

Ca y est. J'ai passé la porte. Ma vie, qui s'était ralentie depuis le procès, s'arrête complètement. Je suis mort... avant le jour...

... Ce que je vais vivre dans cette prison sera comme une sorte de... bonus... Si l'on peut dire...

-Du caaaalme, man, lancé-je à l'un des deux types qui me poussent encore. Je suis rentré, mais je suis pas pressé d'aller plus loin...

Je suis peut être con, mais pas suicidaire...

[Moxie sors de ce corps ! ]

Aïe-euuuh... Qui c'est le petit con qui m'a versé du gravier dans le crâne pour que ça roule quand je bouge hein ? Je jarte le chat de mon ventre et me lève, enfin j'essaye. J'ose même pas envisager l'idée d'ouvrir les rideaux tu vois, ça serais un coup à me foutre encore plus mal que j'le suis là. Enfin... Le truc, c'est que mon chat il a eu neuf ans hier, fallait fêter ça non ? Donc pour lui prouver que je l'aimais, je me suis biturer la gueule comme un malade. Vous trouvez ça illogique ? Moi pas ! Nan mais c'est pas comme si je buvais tout le temps hein ! La dernière fois ça remonte à pfff, la semaine dernière ? Bon OK on est lundi... Nan mais enfin je connais mes limites tout ça, je sais ce que je gère et ce que je gère pas, bah là, tu vois, je gère. J'ai juste un peu la gueule de bois, c'tout, pas de quoi en faire un caca nerveux, c'est pas grave ! Puis c'était pour fêter un truc quoi, puis j'étais pas tout seul, j'étais avec mon chat. Commencer à boire tout seul, c'est la fin de tout ! Le truc, c'est de savoir contrôler, un verre de temps en temps, ça va, mais si c'est continuel, ça va plus ! Enfin j'en suis loin hein, je connais plein de gens qui boivent plus que moi d'abord ! Genre il te font un beau discours sur comment se sortir de l'alcoolisme gnia gnia gnia et au final tu les vois toujours torché comme des merdes. Rien à voir avec moi.
Je secoue un peu la tête et j'me bouge le cul, aparament faut que j'accueille un mec qu'était pas là avant. J'me douche ( Aaaaarg c'froiiiid ! ) et j'me dirige vers « l'accueil » ( Qui n'a d'accueillant que le nom. ) pour prendre les papiers du mec. 'tain ça tourne encore. J'y suis pas aller de main morte aparament, la vache, j'suis encore à moitié torché de la veille. Rôôôôôôô c'pas graaave-euuuh ! Self-Control j'vous dis ! J'vois ma gueule dans une vitre, c'est mignon, j'ai les yeux rougis et à moitié fermé, d'énormes cernes noires et les cheveux un peu n'importe comment, mais c'est la douche ça. Je regarde la feuille du type que je suis censé accueillir, en plissant un peu les yeux.

- Billeuh... Doulééé... Célule vainte neuf.

J'vous ai jamais dit que j'étais très cultivé, que ma scolarité brillante m'avait aporté beaucoup de chose et que j'adorais lire ? Non ? Ben j'ai bien fait parce que ce n'est pas vrai. L'école... Je l'ai quitté dès que j'ai pu, cette pute, et elle m'a pas trop couru après. En fait, on avait plus rien à se dire, on en avait chier chacun de son coté pour essayer de se suporter, mais ça n'a rien donné, à la fin nos rendez-vous quotidien, c'était juste par habitude. On attendais que ça se passe, puis c'est tout, j'étais totalement passif avec elle, au début elle a un peu gueulé, puis c'est passé, elle s'y est faites. J'ai essayé de m'en sortir sans elle, mais c'était dur, j'ai galèrer dans des boulots de merde pour l'éviter.

... Quand j'y repense...

Je m'allume une Lucky Strike, voilà, tout ça pour en arriver à là, j'ai vécu la moitié de ma vie pour en arriver à ça, la loose. Tout ce que j'ai fait ces dernières années, c'est apprendre à fumer sans les mains, ouaiiiiiis ! Je relève la tête, des mecs sont là, avec le prisonier au milieu, je l'ai reconnu au vêtements trop sex qu'il porte. Lui, il va passé toute sa vie entre quatre murs. J'suis pas si mal logé finalement en fait, mais bon... Je renifle mes mitaines, elles puent l'alcool, la loose. Je les range dans les poches de mon manteau en cuir, et je continue à fumer sans les mains. La classe...

- Ouais, bonjour messieurs, euh... Ouais je gribouille là dessus, oké...

J'apose ma signature sur un papier que je ne lis pas, sans un regard pour le pauvre type qu'ils ammènent. Enfin, ça dure pas, vu que je suis censé l'accompagner vers sa cellule. Je jette un rapide coup d'oeil vers lui, il est vachement plus grand que moi ( enfin c'pas dur. ) il est black, et il a une bonne petite tête de fumeur de joint. Foutre, il à l'air jeune, enfin pas tant que ça, je lui donne la vingtaine, allez. Mais n'empèche, j'pourrais presque être son père j'pense. Coup d'vieux.

- Mr ... Dooley c'est ça ? Hum... Je vais vous ammener à votre cellule, faudra r'tenir l'chemin parce que j'vais pas vous l'montrer six fois.

Joint... Ce mec m'y fait penser. Quand j'suis arrivé, dès mon premier jour de congés, je me suis précipité vers la « ville » (Village plein de poulpes serait les termes les plus adaptés. ) pour voir ce qu'il en était. Mal servi et pas de la super bonnes qualité, mais j'ai trouvé ! Enfin je ferais mieux la prochaine fois hein, comptez sur moi, je suis très fort à ça et j'ai des années d'experience derrière moi en la matière. La classe...
J'ouvre le chemin, pour qu'il me suive. Je l'attache pas de partout et je lui colle pas au cul, j'ai un flingue sur la hanche, c'est suffisant je pense, enfin je crois. Pas du genre méfiant le Charity.

Les deux molosses qui me servent de garde me laisse à un endroit au nom pas vraiment bien choisit. Sûrement la formule officielle.
"Acceuil". Le truc est propre, un peut trop, et tout blanc. On se croirait dans un hôpital. C'est totalement impersonnel. Pour moi, ce genre d'endroit n'est fait que pour dégoûter les humains. Les murs immaculés semblent se moquer de moi, de moi qui ai finalement des bonnes raisons pour me trouver dans cette prison.

Avant de partir, l'un des deux compère me fait tendre les poignets devant mon ventre, et m'y accroche une menotte métallique. Il serre bien fort, et m'observe, avec un petit sourire en coin. Il mastique son chewing-gum à l'Américaine. Il me déplaît fortement.

Ils restent avec moi jusqu'à l'arrivée de celui qui est sensé me conduire à ma cellule. Que c'est bien coordoné. Arrive enfin un type avec une sale tête. Il fait semblant de signer un papier (ça ressemble plus à une croix mal dessinée (qu'autre chose).

- Mr ... Dooley c'est ça ? Hum... Je vais vous ammener à votre cellule, faudra r'tenir l'chemin parce que j'vais pas vous l'montrer six fois.
-Okay Man

En marchant dans les couloirs propres, je l'observe. Je tiens un alcoolique, un beau, un vrai. Son haleine sens si fort l'alcool qu'elle pourrait me faire tomber dans un coma éthylique si je la respire trop longtemps. D'ailleurs, tout chez lui dégage des vapeurs alcoolisée. Son visage, aux traits ravagés, aux yeux rougis et moitié fermés, aux cheveux en bataille un peu mouillé. Ce qui me laisse penser qu'il s'est peut être lavé, peut être...

Je le suis et en chemin, une idée m'étreinds. Ca fait tellement longtemps qu'il ne pas été donné de faire la bise à Marie-Jeanne. Entre le procès, puis le temps que j'ai passé en cellule provisoire avant l'excécution définitive de la peine... Et le type là... Peut être que...

J'hésite, ça sera peut être mal-vu. Mais il m'a l'air d'être un gars sympa, pas le genre de chiant que je m'attendais ici. Pas le genre des deux pauvres tâches qui m'ont escorté dans la fourgonnette. Peut être que...

Je sens qu'on approche de la cellule et je m'approche un peu et lui murmure:

-Hey, man, t'aurais pas... Une dépanne...

Voilà, j'me suis lancé... Avec un peu de chance... Mais je préfère pas trop espérer...